Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur les mêmes endroits, dans leur envie immodérée de tout faire reluire. Par les fenêtres ouvertes pénétrait l’air vif du dehors, séchant l’humidité des parquets longuement arrosés et des murs fleuris d’anciennes moisissures. Et petit à petit les maisons, toutes blanches avec leurs linges renouvelés, leurs papiers de tentures époussetés, prirent des airs de chapelles parées pour recevoir des saintes vierges. Puis le soir tomba sur ces graves occupations, les portes se fermèrent et derrière les vitres les lampes allumées mirent des points rouges, tandis que le tapage du jour s’assoupissait dans une torpeur de lassitude. Cependant, des passages d’ombres sur les rideaux indiquaient que le travail n’avait pas cessé partout, et bien avant dans la nuit, sœur Mechtilde du Saint-Sacrement, fut aperçue par un passant attardé, lequel avait mis curieusement l’œil à la fente du volet, son vieux chat roux sur les genoux, lui peignant sa longue toison et passant à son cou un ruban de soie bleue, pour l’égaler en beauté au reste de l’habitation.

Une même animation avait régné tout le jour dans l’église. Deux sœurs plus jeunes s’étaient jointes à la vieille Anne de Jésus pour préparer le sanctuaire aux splendeurs pascales ; et toutes trois ensemble, à grande eau, avaient refraîchi les dalles, les autels, les confessionnaux, la sacristie. Le tabernacle, débarrassé de ses voiles de deuil, s’était ensuite décoré, sous leurs mains rapides, d’un lustre inhabituel. Des chandeliers d’argent massif, prêtés par Mme Monard, avait été substitués aux flambeaux de cuivre des jours ordinaires. En même temps trois nappes, garnies de fine dentelle, remplacèrent sur l’autel les guipures mises au temps de l’Avent. Puis, un à un, les vêtements sacerdotaux furent tirés des armoires, dépouillés de leurs housses, battus à petits coups de vergettes, finalement étalés sur des porte-manteaux, la chasuble et les dalmatiques, toutes raides d’orfrois et pesantes comme des armures, avec la forme des épaules demeurée dans les soies, les aubes vaporeuses et légères, écroulées en une infinité de longs plis, les robes des enfants de chœur traînant à terre avec le balaiement de leurs longues queues éraillées par les clous de bottines. Toute Cette gloire du lendemain s’irradiait dans sa vétusté magnifique, illuminée au soleil des vitraux d’un scintillement de pierreries où des mites passaient par moments, avec le tremblotement de leurs ailes argentées, et une vieille odeur d’encens, très douce, comme un peu de la personne du prêtre, sortait des étoffes, mêlée à des senteurs piquantes de vétiver.