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feuillée, jusqu’alors d’un gris uniforme, se chamarrait de milles teintes variées. Des faisceaux lumineux la trouaient çà et là, zébrant le sol de longues traînées blanchâtres. Tout s’animait. Les oiseaux, au réveil, épluchaient leurs ailes en pépiant ; un écureuil, perché en équilibre sur la branche flexible d’un noisetier, laissait choir avec bruit des épluchures vides des fruits qu’il grignotait, un lézard s’enfuyait sous les feuilles sèches frissonnantes ; de brillants insectes carnassiers rôdaient çà et là en quête d’une proie.

Bientôt le voisinage de la Reliane s’annonçait par la molle rumeur des ondes. Les bruits de grelots des ruisselets se mêlaient aux chuchotements des cascades et aux murmures confus des vagues refoulées.

Aux sentiers moussus faisait suite une grève de sables micacés. C’est là que j’ouvrais mon livre, à l’ombre des aulnes et des charmes, disant à demi-voix les vers suaves du poète des Amours, bercé par le ramage des fauvettes et des mésanges, et pensant à Jeanne que j’espérais entrevoir en arrivant près du moulin.


III


Un jour, au bord de la Reliane, j’aperçus une barque de pêcheur, retenue à la branche d’un aulne par une simple cordelette.