Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 31.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
Le Songe

lés, que la belle se montra telle qu’elle étoit. Elle ne trahit point la fidélité conjugale ; mais le conjoint n’en fut pas plus heureux. Rien n’est plus inſupportable qu’une femme qui ſe pique d’être chaſte. Ce qui l’éloigné de la galanterie l’approche de l’orgueil ; ſon cœur ne peut contenir tout au plus qu’une vertu, & loge à la fois quantité de vices. Quand l’impudicité ne s’y rencontre pas, la ſuperbe, la médiſance, l’avarice & une infinité d’autres défauts y trouvent place. Pensant toujours bien d’elle-même, elle penſe toujours mal des autres : mais ſi les coquettes ſe perdent gaiement par la galanterie, par la bonne chère & par l’oiſiveté, les prudes ſe perdent triſtement par la préſomption & par l’envie. Fières du nom de ſages qu’elles croient mériter, elles deviennent inſolentes, & ne permettent pas de douter qu’un vice qui nous laiſſe en repos est préférable à une vertu qui nous aſſomme.

Le nouveau marié qui, tout diable qu’il étoit, vouloit paſſer pour honnête-homme, n’employa d’abord que douceur & raiſon, quoiqu’il eût bec & ongles pour établir & maintenir ſon autorité ; mais après quelques mois de condeſcendance, il ne fut plus tems d’y revenir. Madame étoit en poſſeſſion de faire enrager monſieur, & n’en démordit jamais.