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Il oublia sans doute pour ce moment sa chère Fêlée ; & voilà comme sont faits tous les amans ; quelque épris qu’ils soient d’une maîtresse, l’objet présent les séduit d’abord. Il ne croient pas être infidèles pour cela, & pensent que, sans cette légereté, il faudroit renoncer au monde. Mais s’ils y faisoient réflexion, ils sentiroient que cela n’est point pardonnable, & que quand on a fait un choix, il ne faut plus regarder qui que ce soit dans l’univers.

Le jeune page n’étoit pas moins ému que le prince à la vue de cette jeune personne. On ne sauroit deviner quel étoit son dessein, & ce qu’il auroit prétendu faire ; mais il souhaitoit de tout son cœur que le jeune homme qui dormoit à quelque distance d’eux, n’y eût pas été. Son cœur lui conseilloit d’éveilller la nymphe, mais il craignoit de la perdre, si elle les apercevoit. Il falloit donc se contenter de la regarder, & c’est ce qu’il faisoit avec des yeux pleins de feu, lorsque Prenany & lui entendirent rire derrière eux & battre des mains. Ils tournèrent aussitôt la tête, & virent un satyre qui les effraya si fort, qu’ils firent un cri. Ne vous étonnez point, leur dit le faune d’un air railleur ; je regarde cette nymphe aussi bien que vous, cela ne diminue point votre part.

Au bruit que fit cette conversation, la