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acteurs ; je suis sûr que les actrices ont plus de goût : le beau sexe est naturellement sensible, & marque bien mieux la passion qu’il ressent.

Vous auriez raison, reprit Santivane, si nos actrices étoient capables de concevoir ce qu’elles récitent ; mais la plupart n’en entendent rien. On connoît seulement si elles sont affligées, par un grand mouchoir qu’elles prennent au lieu de leur éventail ; & alors elles font une grimace qui n’est point amusante. Il n’y en a qu’une, entre elles, qui varie ses intonations. Elle en prend de graves, quand elle veut exprimer la colère ; de douces, quand elle veut inspirer la tendresse. Ses yeux & son visage marquent la joie ou la tristesse : on connoît si elle menace ou si elle s’apaise ; & lorsqu’elle feint quelque passion, son visage montre au spectateur que ce qu’elle dit même n’est qu’une feinte.

Voilà une grand actrice, dit Prenany : aussi répliqua le vieux Savantivane, chacun s’est d’abord déchaîné contre elle, & ce n’est que par un hasard étonnant qu’elle a été reçue.

Prenany se seroit informé des autres spectacles d’Azinie ; mais Savantivane lui avoit dit d’abord, que quand il entendroit parfaitement la langue, ils ne valoient pas trop la peine d’être vus.