Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

véritablement. Cet amant, enflammé par les complaisances qu’on avoit pour lui, s’abandonna sans reflexion à sa passion naissante ; & comme il est impossible de ne pas rêver quand on a quelque chose dans le cœur, sa femme, qui trouva quelque changement dans ses manières, se plaignit à lui du relâchement de son amour. Il lui protesta qu’il avoit toujours pour elle & le même cœur & les mêmes sentimens. Ce fut assez pour lui remettre l’esprit dans sa première tranquillité, & elle ne la perdit que quand la nouvelle passion de Raphane eut fait assez de bruit dans le monde, pour ne lui plus laisser ignorer qu’il avoit une maîtresse. Le coup lui fut très sensible ; mais comme il est dangereux d’aigrir un mari en s’opposant avec trop d’empire & d’une manière trop impétueuse à des sentimens qui flattent le cœur, elle lui parla de l’injustice de ceux qui condamnoient sa conduite, comme si elle eût été véritablement pérsuadée que toutes les visites qu’il rendoit étoient innocentes, & qu’elles n’avoient pour vue que le plaisir d’entendre une belle voix.

Raphane, ravi de la voir sans jalousie, lui avoua qu’il ne croyoit pas qu’on lui dût défendre d’aller quelquefois chez une personne qui avoit beaucoup de talens pour la musique