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meur de son mari, le rendirent attentif à faire de son côté tout ce qu’il croyoit lui devoir être agréable, & il sembloit qu’ils combattissent ensemble à qui pourroit se donner de plus fortes marques de l’échange mutuel qui s’étoit fait de leurs cœurs.

Cependant comme avec le temps on s’accoutume au bonheur, & que l’habitude d’en jouir le rend moins sensible, Raphane commença à prendre goût à la conversation d’une assez jolie personne qui avoit pour lui un charme particulier. C’étoit celui de la voix, qu’elle accompagnoit admirablement du théorbe. Le hasard seul lui en ayant donné connoissance, il lui rendit quelques visites, d’abord d’une manière qui ne marquoit rien par delà l’amusement ; mais à force de la voir & de l’entendre chanter, il sentit son cœur touché pour elle ; & sans songer à quoi cet engagement le meneroit, il ne put s’empêcher de lui parler une langue qui lui fit connoître ce qu’elle pouvoit sur lui. La demoiselle ne fut point fâchée d’avoir fait cette conquête, & s’attacha d’autant plus à se l’assurer, que sa mère, qui avoit fort peu de bien, & qui régloit sa conduite, lui fit comprendre que Raphane étant fort riche, elles en pourroient tirer d’utiles secours si elle venoit à bout de s’en faire aimer