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voir une fort belle dame qui avoit douze maris auxquels elle avoit donné le nom de chaque mois. Ces maris étoient de jeunes gens fort bien faits, & fort jaloux les uns des autres. Elle en eut d’abord de la joie ; & ceux-ci, jugeant que cela pourroit avoir des suites fâcheuses, voulurent l’obliger à retrancher le nombre de ses maris. Ils lui en parlèrent plusieurs fois ; mais comme elle savoit qu’un & un font deux, & qu’en amour comme en guerre deux valent mieux qu’un, elle ne pouvoit se résoudre à quitter les uns pour les autres. Elle fit tout son possible pour les faire vivre en bonne intelligence, en leur témoignant une amitié égale. Mais ils étoient trop amoureux pour se contenter d’un cœur partagé ; ils voulurent décider leur différent par le sort des armes. Le jour étant pris pour cela, ils se rendirent au lieu destiné, & se battirent six contre six ; il y en eut six de tués : les six autres se battirent trois contre trois ; il y en eut quatre de tués : les deux derniers ayant horreur de voir tant de sang répandu pour une femme, ou, pour mieux dire, pour une louve, mirent les armes bas, & se promirent réciproquement de la quitter. En effet, ils se tinrent parole ; & quelque adresse dont elle se servît pour les rappeler, ils ne voulurent plus la voir. Elle en eut un chagrin