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Dans ces temps heureux où l’empire jouissoit d’une félicité parfaite, régnoit mon aïeul, qui n’avoit que deux enfans, mon père & mon oncle. Après la mort de mon aïeul, ils eurent quelques différens au sujet de sa succession : mais comme mon père avoit raison, il eut le dessus. Mon oncle, chagrin de cet avantage, déroba ce précieux miroir, & le porta aux Indes, où règne une grande & puissante reine, qui a donné le soin des affaires de son royaume à un de ses ministres. Mon oncle, qui vouloit s’acquérir les bonnes grâces de cette princesse, lui fit présent de ce miroir, en lui disant néanmoins que ce miroir n’avoit de vertu que dans mon empire. L’on voyoit tous les jours au dessus de la ville capitale de cette reine, qui étoit située sur le bord de la mer, une main droite ouverte, qui paroissoit en l’air au lever du soleil, laquelle, sans sortir de sa place, restoit au même état jusqu’à la nuit ; & alors, s’approchant du rivage, elle prenoit un homme, & le jetoit dans la mer. Le peuple, affligé de cette désolation, porta ce miroir sur le rivage de la mer, s’imaginant qu’il pourroit détourner le malheur dont il étoit accablé. En effet, l’ayant opposé à cette main fatale, il en reçut cet avantage, qu’au lieu qu’elle prenoit un homme chaque jour, elle ne prit qu’un cheval ou un bœuf.