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remercia de tout son cœur, & ensuite leur fit ce discours.

Les anciens philosophes de cet empire, dont mes ancêtres faisoient beaucoup de cas, avoient trouvé une forme de miroir qu’ils nommoient le miroir de justice ; il avoit la vertu de faire le juge, lorsqu’il y avoit deux personnes qui, plaidoient l’une contre l’autre, on les obligeoit de regarder dedans, pour savoir celle qui avoit tort ou raison. La partie qui faisoit d’injustes demandes, avoit aussi-tôt le visage noir, & celle qui avoit raison, conservoit toujours sa première couleur, & gagnoit sa cause. Celui dont le visage étoit devenu noir, ne pouvoit revenir en son premier état, à moins qu’il ne descendît dans un puits très-profond, pour y passer quarante jours au pain & à l’eau. Cette pénitence étant faite, on le tiroit du puits, & on l’exposoit à la vue de tout le peuple ; là, après avoir publiquement confessé sa faute, & demandé pardon aux dieux & à la justice, il reprenoit sa première couleur. Comme l’on vivoit toujours dans la crainte de ce miroir, qui tenoit lieu de juge, chacun se contenoit dans le devoir, & s’appliquoit à son métier, le pays étant abondant en toute chose ; & quelque pauvre que fût un étranger qui venoit s’y refugier, il faisoit aisément sa fortune.