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qui y reste tranquillement, afin qu’on l’y tue. Sans cette imagination, auroit-on le plaisir de revoir l’empereur tout armé sortir du même appartement où on croit l’avoir tué, & venir montrer à ceux qui le vouloient assassiner, qu’ils ne sont que des dupes ?

Ce que vous m’expliquez là, dit Prenany, me paroît de fort bon sens. L’histoire est trop dure, & ne fléchit pas ainsi au gré du spectateur. Quand, par exemple, un empereur amoureux, mais féroce, coupe la tête à sa maîtresse, quoiqu’il l’adore, cela révolte tout le monde. Des gens disent : Mais c’est l’histoire qui le veut ainsi. Eh bien, que n’avoir-on recours à vous ? vous auriez tourné cela à merveille.

Je vous en réponds bien, dit le génie ; mais, ajoute-t-il, je ne songe pas que vous êtes ici à perdre votre temps. Vous voyez les eaux du lac, qui battent le pied du rocher où nous sommes, & vous apercevez de loin le rivage où vous vouliez aborder ; il faut vous y faire arriver. Et comment m’y transporterez vous ? dit le prince. J’ai envie, dit le génie, que vous y alliez à la nage. Ah ! je vous prie, dit Prenany, épargnez-moi cette corvée. Non, dit le génie, un héros inconnu, tel que vous êtes, qui est jeté seul sur les bords de la mer par une tempête, touche & intéresse le spectateur. C’est