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Les aventures

En un mot, si la même tendresse filiale pouvoit être trouvée parmi les chrétiens, on pourroit dire en quelque sorte qu’il n’y a rien de plus inutile que le quatrième commandement.

Mais laissant là toute digression, j’en viens à la manière dont je fus reçus par les habitans de l’île. Je n’aurois jamais fait, si je voulois raconter en détail toutes les civilités que me firent les espagnols. Le premier, que je reconnoissois parfaitement bien, comme j’ai déjà dit, s’approcha de la chaloupe portant un drapeau de paix, & accompagné d’un de ses compatriotes. Non seulement il ne me reconnut pas d’abord ; mais il n’avoit pas seulement la pensée que ce pût être moi, avant que je lui eusse parlé. Comment ! Signor, lui dis-je d’abord en portugais, vous ne me reconnoisez pas ? Il ne me répondit pas un mot ; mais donnant son fusil à son compagnon, il ouvrit les bras, & vint m’embrasser, en disant plusieurs choses en espagnol dont je n’entendois qu’une partie. Il me serra entre ses bras, & me demanda mille pardons de n’avoir pas reconnu ce visage qu’il avoit considéré autrefois comme celui d’un ange envoyé du ciel pour lui sauver la vie. Il disoit encore un grand nombre d’autres belles choses, que la politesse espagnole fournissoit à son cœur véritablement reconnoissant ; & ensuite se tournant vers son compagnon, il lui ordonna de