Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 2.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
de Robinson Crusoé.

extrême de ses propres gens l’avoit forcé à négliger, selon son propre aveu. Je compris par-là qu’à la fin il ne leur avoit donné aucune nourriture, & j’en concluois qu’ils devoient tous trois être morts de faim.

Je retins là-dessus le contre-maître, que nous appellions alors le capitaine, à notre bord, avec ses gens pour qu’ils reprissent vigueur par de bons alimens ; & songeant en même tems à rendre le même service au reste de l’équipage, je fis conduire à leur navire notre contre-maître avec la chaloupe montée de douze hommes, & chargée d’un sac plein de pain, & de six grosses pièces de bœuf. Notre chirurgien donna ordre à mes matelots de faire bouillir cette viande en leur présence, & de placer des sentinelles dans la chambre du cuisinier pour détourner ces gens affamés de dévorer la viande toute crûe, ou de l’arracher du pot avant qu’elle fût cuite comme il faut, & de le leur en donner d’abord qu’une petite portion. C’est cette sage précaution qui leur conserva la vie ; & si on avoit été négligent à cet égard, ils se seroient tués par le moyen de ces mêmes alimens, qui leur étoient donné pour les empêcher de mourir.

J’ordonnai en même-tems à notre contre-maître d’aller dans la chambre des passager, pour voir dans quel état ils étoient, & pour leur