Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 2.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
de Robinson Crusoé.

notre bord, m’avoit parlé de ces passagers, comme de gens qu’il croyoit morts ; il n’en avoit pas entendu parler depuis plus de deux jours, parce qu’il avoit eu peur de s’en informer, puisqu’il n’étoit pas en état de les soulager dans leur misère.

Nous fîmes d’abord tous nos efforts pour donner à ce malheureux équipage tout le secours qui nous fut possible, & j’avois assez de pouvoir sur l’esprit de mon neveu pour le porter à les avitailler entièrement, quand même nous aurions été par-là dans la nécessité d’aller dans la Virginie, ou sur quelqu’autre côté de l’Amérique, faire de nouvelles provisions pour nous-mêmes. Mais heureusement nous ne fûmes pas obligés de pousser notre charité jusques-là.

Ces pauvres gens étoient alors exposés à un nouveau danger ; & il y avoit tout à craindre de leur gourmandise. Le contre-maître nous en amena six dans la chaloupe, qui paroissoient autant de squélettes, & qui avoient à peine la force de remuer leurs rames. Il étoit lui-même à moitié mort, n’ayant rien réservé pour lui, & s’étant contenté de la même portion, qui avoit été données pour la subsistance du moindre matelot.

En menant quelques mets devant lui, je l’avertis d’en manger avec lenteur & avec sobriété ; mais