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de Robinson Crusoé.

Au milieu de leurs délibérations, étant presque tous désespérés, ils avoient entendu avec une joie inexprimable un coup de canon, suivi de quatre autres : leur courage en avoit été tout ranimé, &, conformément à mon intention, ils avoient compris par là qu’ils étoient à la portée d’un vaisseau qui leur offroit du secours.

Là-dessus ils avoient mis bas les mâts & leurs voiles, parce que le vent ne leur permettoit pas de nous approcher, & quelque tems après, leurs espérances avoient été redoublées, par la vue de nos lumières & par nos coups de canon qui se suivoient par intervalles pendant toute la nuit : ils avoient tiré aussi trois coups de mousquet ; mais nous ne les avions point entendus à cause du vent contraire. Ils avoient mis pourtant leurs rames à l’eau pour s’empêcher du moins d’être emportés par les vents, & afin que nous pussions les approcher plus facilement. A la fin ils s’étoient apperçus avec une satisfaction inexprimable que nous les avions en vue.

Il m’est impossible de dépeindre les gesticulations surprenantes, les extases, & les postures variées avec lesquelles ces pauvres gens exprimoient la joie qu’ils sentoient d’une délivrance si peu attendue. L’afflication & la crainte peuvent être décrites assez facilement ; des soupirs, des larmes, des cris, quelques mouvemens de la tête