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de Robinson Crusoé.

Pendant tout le tems que durèrent nos frayeurs, nous fûmes agités sans relâche par de pareilles réflexions, sans considérer seulement que les capitaines de vaisseaux n’ont pas l’autorité de faire de telles exécutions. Il est certain que, si nous nous étions rendus à quelqu’un d’entr’eux, & s’il avoit été assez hardi pour nous donner la torture, ou pour nous mettre à mort, il en auroit été puni rigoureusement dans sa patrie. Mais cette vérité n’étoit pas fort consolante pour nous : un homme qu’on massacre, ne tire pas de grands avantages du supplice qu’on fera souffrir à son meurtrier.

Ces frayeurs ne pouvoient que me livrer à de mortifiantes réflexions sur les différentes particularités de ma vie passée. Après avoir passé quarante ans dans des travaux & des dangers continuels, je m’étois vu dans le port vers lequel tous les hommes tendent, une opulente tranquillité ; & j’avois été assez malheureux pour me plonger de nouveau, par mon propre choix, dans des inquiétudes plus grandes que celles dont je m’étois tiré d’une manière si peu attendue. Quel chagrin pour moi, qui, pendant ma jeunesse, avois échappé à tant de périls, de me voir dans ma vieillesse exposé, par mon génie aventurier, à perdre la vie sur une potence, pour un