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de Robinson Crusoé.

été suivies d’une vie parfaitement heureuse, pourvu que moi-même j’eusse bien voulu n’y pas répandre de l’amertume.

Je considérai, qu’outre qu’il n’y a que la jeunesse & la pauvreté capables d’inspirer de pareils desseins, j’avois une épouse, & un enfant qui alloit bientôt être suivi par un autre ; que j’avois tout ce que je pouvois désirer, & j’étois assez vieux pour songer à me séparer pour jamais de ce que j’avois acquis plutôt qu’à accumuler. Pour ce qui regarde l’avertissement intérieur du ciel, auquel ma femme attribuoit mon dessein, je n’en étois pas trop convaincu ; & après avoir lutté pendant long-tems avec la force de mon imagination, j’en devins enfin le maître, comme je crois qu’on peut faire toujours en pareil cas, pourvu qu’on le veuille sérieusement. Je réussis peu-à-peu à me tranquilliser par les raisonnemens dont je viens de faire mention ; mais ce qui y contribua le plus, c’est le dessein que je pris de me donner de l’occupation, & de me chercher quelques affaires propres à ne me pas laisser le loisir de livrer mon imagination à ces idées capricieuses ; car je m’étois apperçu que jamais mon cerveau n’en étoit rempli que quand j’étois dans l’oisiveté, & que je n’avois pas sur quoi exercer l’activité naturelle de mon esprit.

Conséquemment, à cette nouvelle résolution,