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de Robinson Crusoé.

Chine, & que nos prélats même s’engagent à des voyages dangereux, & à demeurer parmi des barbares & des meurtriers, pour leur donner la connoissance de dieu, & pour les porter dans le sein de l’église chrétienne. Vous avez ici toute prête l’occasion d’une pareille charité ; vous pouvez détourner de l’idolâtrie trente-six ou trente-sept pauvres sauvages, & les conduite à la connoissance de dieu, leur créateur & leur rédempteur. Pourriez-vous négliger un pareil moyen d’exercer votre piété, & de faire une bonne œuvre, qui vaut la peine qu’un chrétien y employe tout le tems de sa vie ?

Ces paroles me rendoient muet d’étonnement, & j’étois charmé de voir devant mes yeux un véritable modèle du zèle chrétien, quels que pussent être les sentimens particuliers de cet homme de bien. J’avois que jamais pareille pensée ne m’étoit venue dans l’esprit, & sans lui j’aurois été peut-être incapable toute ma vie d’en avoir de semblables. Je regardois ces sauvages comme de vils esclaves, dont nous aurions pu nous servir en cette qualité, si nous avions eu de quoi les employer ; & dont, faute de cela, nous ne devions songer qu’à nous défaire, en les transportant ailleurs, quand ils n’auroient jamais revu leur patrie.

La confusion de mes pensées dura long-tems