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Les aventures

ment le succès le justifia, & sa femme fit voir qu’elle étoit la meilleure, & la plus utile de toute la troupe.

L’affaire n’étoit pas tout-à-fait aussi divertissante pour les pauvres prisonnières ; car lorsqu’elles se virent de cette manière toutes ensemble, & qu’on les venoit chercher une à une, leurs anciennes frayeurs se renouvellèrent avec plus de force, & elles crurent fermement que le moment d’être dévorées étoit venu alors. Conformément à cette terrible prévention, lorsque le premier matelot entra pour emmener la plus vieille, les autres poussèrent les cris les plus lamentables, & environnèrent leur pauvre compagne pour l’embrasser, & prendre congé d’elle. Elle le firent avec de si grands transports de douleur, qu’elle auroient touché le cœur le plus dur, & il fut impossible aux Anglois de les tirer de l’opinion qu’on les alloit tuer sans délai, jusqu’à ce qu’on eût fait venir le père de Vendredi, qui leur apprit que les cinq hommes avoient volonté d’en prendre chacun une pour en faire sa femme.

Lorsque cette cérémonie fut faite, & que la frayeur des nouvelles mariées fut un peu appaisée, les Anglois se mirent à travailler ; & aidés par les Espagnols, ils bâtirent en peu d’heures cinq nouvelles cabanes pour y loger, les autres