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Les aventures

quelque chose. Ces gens s’étoient si fortement mis dans l’esprit qu’ils alloient bientôt servir de pâture à leurs possesseurs, qu’ils croyoient que tout ce qu’on leur disoit, & tout ce qu’on leur donnoit, tendoit uniquement à ce triste but.

On commença d’abord par les délier ; ce qui leur fit pousser des cris terribles, sur-tout aux femmes, comme si elles avoient déjà le couteau sous la gorge. Car, à s’en rapporter aux coutumes de leur pays, ils ne pouvoient qu’en conclure qu’on les alloit égorger dans le moment.

Leurs appréhensions n’étoient guère moindres quand on leur donnoit à manger. Ils s’imaginoient que c’étoit dans le dessein de conserver leur embonpoint pour les manger avec plus de volupte. Si les Anglois fixoient les yeux particulièrement sur quelqu’une de ces misérables créatures, celui sur qui ces regards tomboient s’imaginoit tout aussi-tôt qu’on le trouvoit le plus gras & le plus propre à être mis en pièces le premier. Lors même qu’ils furent arrivés à notre île, & qu’on les traitoit avec beaucoup de douceur, ils s’attendoient tous les jours, pendant quelque tems, à servir de dîner ou de souper à leurs maîtres.

Lorsque les trois aventuriers eurent fini le merveilleux journal de leur voyage, le gouverneur leur demanda où étoient leurs nouveaux domestiques. Et ayant appris qu’ils les avoient amenés