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de Milord Céton.

C’est que je ne fais consister le bonheur suprême que dans trois choses, qui sont, la vertu, la santé & le nécessaire. Qu’importe, pour être heureux, que le corps soit nourri de mets délicats, lorsque l’esprit n’est abreuvé que de fiel & d’absynthe ? Voilà en quatre mots toute ma morale : elle n’est point goûtée chez les Lunaires, parce que leurs esprits se laissent plus séduire par l’amour-propre, que persuader par la raison, & que la plupart des riches sont fourbes, tyrans présomptueux & ignorans. Monime & moi fûmes enchantés de la conversation de ce savant ; aussi étoit-il du choix du génie. Nous le quittâmes à regret en gémissant sur l’extravagance de ces peuples.

Nous prîmes congé du seigneur Damon, qui parut très-fâché de notre départ. Il fit mille instances pour nous arrêter plus long-tems ; mais le séjour que nous devions faire dans cette planette étant limité, nous fûmes contraints de partir pour visiter encore différentes provinces, dans lesquelles nous ne remarquâmes que le même esprit, le goût des modes, celui de la nouveauté est la passion dominante de ces peuples : par-tout un petit-maître veut passer pour bel esprit ; il lui suffit de critiquer, bien ou mal, toutes les pièces de théâtre, les nouveaux contes ; il étend même souvent ses connoissan-