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sont réduits à présent à ne composer que des contes allégoriques, parce que tout genre d’ouvrages plus relevés y devient suspect. Les hautes sciences sont bannies de ce monde. L’esprit toujours gêné par la crainte de déplaire à quelqu’un, on n’ose mettre ses pensées au jour, on ne se fie point à sa raison : d’où vient ? C’est que la sagesse n’est fondée que sur le tempérament, & que la nature conserve ici tous ses droits. Vous devez juger par-là combien cette raison, que les honnêtes gens chérissent, a perdu de son crédit : elle n’est donc plus en état de faire valoir son autorité, puisque les hommes ne l’estiment pas assez pour la mettre en usage ; mais on est contraint de se conformer à la mode, de louer souvent ce qui paroît ridicule. Chez nous, la dissimulation est le lien le plus étroit de nos sociétés. Comme on se trouve souvent dans la nécessité de fréquenter des gens qu’on ne sauroit ni aimer, ni estimer, l’artifice prend la place de la vérité ; la politique tient lieu de cordialité ; & la nécessité où l’on est de se mettre à l’unisson, rend ce déguisement excusable pour les personnes qui pensent différemment.

Cependant tous nos citoyens se croient heureux ; ils mettent tous leurs soins à se le persuader : mais je ne suis pas leur dupe ; pourquoi ?