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art, & un encore plus admirable pour deviner ce qu’ils ont voulu dire : car il y a toute apparence de croire que ces auteurs ne se sont pas entendus eux-mêmes, sur-tout lorsqu’ils s’efforcent par leurs écrits à vouloir nous prouver que l’esprit & le jugement ne consistent que dans une certaine conformation des fibres du cerveau, qui nous portent à la science, aux talens, à la vertu, ou à la débauche. Vous voyez que, selon ces beaux génies, tout vient du hasard.

Mais demandez-leur à quoi il tenoit que vous ne fussiez né stupide ou hébêté. Presque à rien, vous diront-ils ; à une petite disposition de fibres imperceptibles ; enfin à quelque chose que l’anatomie la plus délicate ne sauroit jamais appercevoir.

C’est-à-dire, repris-je, en interrompant le savant afin de lui donner le tems de respirer & de reprendre haleine, que vos beaux esprits osent entreprendre de vous soutenir qu’il n’y a qu’eux qui puissent avoir du mérite & des talens indépendans du hasard : c’est de-là, sans doute, qu’ils tirent ce noble privilège, qui leur accorde le droit de mépriser tous les hommes : mais si auparavant de s’approprier une chose & d’en tirer vanité, ils vouloient bien s’assurer qu’elle leur appartient, il n’y auroit pas tant d’orgueil dans le monde.