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rouges : que sais-je encore ? enfin c’étoit l’élixir de tous les petits maîtres. Frivole nous entretint de ses chevaux, de ses domestiques, de sa meute, de ses bonnes fortunes ; tira différentes boëtes qu’il tournoit dans ses mains avec tant d’art, que les doigts élevés montroient en même tems deux gros brillants, dont l’éclat se trouvoit augmenté par leurs continuels mouvemens. Il se lève ensuite, fait quelques pirouettes, se regarde dans toutes les glaces en minaudant, vient se remettre sur son siège, parle de sa noblesse, de ses ancêtres ; retourne à sa jolie figure, qu’il ne peut se lasser d’admirer, fait trois révérences, part sans rien dire, & vole se plonger dans sa désobligeante pour aller se faire voir au cours.

Le comte de Frivole étoit de ces petits maîtres, dont toutes les voitures sont élégantes, les chevaux toujours rendus, le coureur excédé de fatigue ; qui se présentoit chaque jour dans trente maisons ; s’engageoit à souper dans plusieurs, & venoit à onze heures en demander où il n’étoit point attendu, pour y débiter les nouvelles qu’il avoit apprises, se faire admirer par cinq ou six phrases étudiées, quoiqu’il n’en comprît pas lui-même le sens ; à ces rares qualités se joignoit encore un applaudissement perpétuel sur son compte, & la noble ambition de