Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
de Robinson Crusoé.

grands avantages, en vue desquels mon père m’avoit si sérieusement recommandé une vie retirée, & dont il m’avoit donné une idée si sensible dans le portrait ressemblant qu’il me traça de l’état mitoyen. Mais j’étois né pour toute autre chose : je devois derechef travailler de dessein prémédité à me plonger dans la misère ; sur-tout j’allois augmenter le nombre de mes fautes, & par conséquent fournir une plus ample matière aux reproches que j’aurois le loisir de me faire un jour au milieu de mes accablemens. Tous ces désastres ne provenoient que de la passion effrénée que j’avois d’errer par le monde : passion favorite, à laquelle je lâchois aveuglément la bride, lors même qu’elle étoit manifestement contraire à mes intérêts les plus chers, qu’elle rompoit toutes les mesures de ma bonne fortune, & qu’elle gâtoit, pour ainsi dire, tous les chemins que la providence sembloit m’ouvrir pour me conduire à mon devoir & à mon bonheur.

C’est précisément la faute que j’avois commise en m’enfuyant de la maison de mon père, & déjà je ne pouvois avoir de repos, que je ne tombasse dans une seconde toute semblable ; j’étois tenté de m’en aller, & d’abandonner les espérances que j’avois de devenir un homme riche, d’une expérience consommée dans ma nouvelle plantation, sans que je pusse alléguer