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Les aventures

à vous prendre tout ce que vous avez, vous y mourriez dans l’indigence, & je ne ferois autre chose que de vous ôter la vie que je vous aurois donnée. Non, non, continua-t-il, signor, Inglese, c’est-à-dire, monsieur l’anglois, je veux vous transporter en ce pays purement par charité ; & ces choses-la vous serviront à acheter de quoi subsister, & à faire votre retour.

Si cet homme parut charitable dans les offres qu’il me fit, il ne se montra pas moins équitable ni moins exact à les remplir, jusque-là qu’il ne s’en écarta pas d’un seul iota ; car il ordonna à tous les matelots que nul ne fût assez hardi pour toucher à rien de ce qui m’appartenoit ; ensuite il prit le tout en dépôt, & m’en donna après, un inventaire fidèle, pour que je le pusse recouvrer, sans en exclure mes trois jarres de terre.

Quant à mon bateau, qui étoit très-bon, (ce qu’il connoissoit bien lui-même) il me proposa de l’acheter de moi, pour le faire servir au vaisseau ; & me demanda ce que j’en voulois avoir ? Je lui répondis qu’il avoit été si généreux en toutes choses à mon égard, que je ne voulois point apprécier le bateau, mais que je l’en faisois l’arbitre : sur quoi il me dit qu’il me feroit de sa main une obligation de quatre-vingt pièces de huit, lesquelles il me paieroit au Brésil ; & qu’y étant arrivés, s’il se trouvoit quelqu’un qui en