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Les aventures

voir ; mais il étoit aisé de connoître, au bruit de ses nazeaux, que ce devoit être une bête prodigieusement grosse & furieuse. Xuri disoit que c’étoit un lion, & cela pouvoit bien être ; & le pauvre garçon me crioit de lever notre ancre, & de nous enfuir à force de rames. Mais je lui répondis que cela n’étoit pas nécessaire, qu’il suffiroit bien de filer notre cable avec une bouhée, de nous écarter en mer, & qu’il ne pourroit nous suivre fort loin. Je n’eus pas plutôt achevé ces paroles, que j’apperçus cet animal, quel qu’il fût, qui n’étoit pas à plus de deux toises loin de moi ; ce qui m’effraya un peu, mais enfin je courus d’abord à l’entrée de la cabane, où je pris mon fusil, & tirai dessus, sur quoi il se tourna bien vîte d’un autre côté, & s’en retourna au rivage en nâgeant.

Mais il est impossible de donner une juste idée des cris & des hurlemens affreux qui s’élevèrent tant au bord de la mer, que plus avant dans les terres, au bruit & au retentissement de mon coup de fusil ; & il y a quelque apparence que ces animaux n’avoient jamais rien entendu de semblable auparavant. Cela me fit voir clairement qu’il n’y avoit pas moyen de se hasarder sur cette côte pendant la nuit : il ne me paroissoit pas même qu’il y eût aucune sûreté à le faire pendant le jour ; car de tomber entre les mains