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de Robinson Crusoé.

serment de m’être fidèle, & d’aller avec moi partout où je voudrois.

Tandis que le maure, qui étoit à la nâge, fut à la portée de ma vue, je ne changeai point de route, aimant mieux bouliner contre le vent, afin qu’on crût que j’étois allé vers le détroit. En effet, l’on ne se seroit jamais imaginé qu’un homme dans son bon sens pût prendre d’autre parti, ni que nous ferions voile au sud, vers des régions toutes barbares, où des nations entières de nègres nous envelopperoient, selon toutes les apparences, avec leurs canots, pour nous égorger, où nous ne pourrions prendre terre sans nous exposer à être dévorés par des bêtes féroces, ou par des hommes sauvages, plus cruels que les bêtes mêmes.

Mais dès qu’il commença à faire un peu sombre, & que je vis que la nuit approchoit, j’altérai ma course, & mis le cap droit au sud-quart au sud-est, tirant un peut vers l’est, pour ne pas trop m’écarter de terre, & comme j’avois un vent favorable, & que la surface de la mer étoit riante & paisible, je fis tant de chemin, que je crois que le lendemain sur les trois heures après midi, lorsque je découvris premierement la terre, je pouvois être à cent cinquante milles de Salé vers le sud, bien au-delà des domaines de l’em-