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de Robinson Crusoé.

En effet celle qui devoit m’éloigner de ce triste séjour, quelle qu’elle fût, me paroissoit toujours assez favorable.

La première démarche que je fis, ce fut de m’adresser à ce maure, sous le spécieux prétexte de pourvoir à notre subsistance pour le tems que nous serions à bord. Je lui dis donc qu’il ne nous falloit pas présumer de manger du pain de notre patron : il me répondit que j’avois raison : ainsi il alla chercher un panier de biscuit de leur façon, & trois jarres d’eau fraîche, qu’il apporta à bord. Je savois l’endroit où étoit placée la cave, dont la structure me faisoit bien voir que c’étoit une prise faite sur les anglois. J’en allai tirer les bouteilles, & les portai au bateau dans le tems que le maure étoit à terre ; circonstance qui lui donneroit à juger qu’elles avoient été là auparavant pour l’usage de notre maître. J’y transportai encore une grande pièce de cire, pesant plus de cinquante livres, avec un paquet de ficelle, une hache, un marteau ; toutes lesquelles choses nous furent dans la suite d’un grand usage, & surtout la masse de cire pour faire des chandelles. Je tendis à mon homme un autre piège, dans lequel il donna tout bonnement, & voici comment. Son nom étoit Ismaël ; et c’est ce qu’ils appelent en ce pays-là Muli ou Mœli : Mœli, lui dis-je, nous avons ici les fusils de notre