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Les aeventures

ne manquoit point deux ou trois la semaine de sortir avec la grande chaloupe, pour pêcher dans la rade. Alors il me menoit avec lui, aussi-bien qu’un jeune Maresco, pour ramer dans le bateau ; nous lui donnions tous deux du divertissement, & je me montrai fort adroit à la pêche : enfin il étoit si content, que quelquefois il m’envoyoit avec un Maure de ses parens & le jeune Maresco, pour lui pêcher un plat de poisson.

Il arriva qu’une fois étant allé pêcher le matin dans un grand calme, il s’éleva tout-à-coup un brouillard si épais, qu’il nous déroba la vue de la terre, quoique nous n’en fussions pas éloignés d’une demi-lieue : nous nous mêmes à ramer sans tenir de route certaine ; nous travaillâmes tout le jour & toute la nuit suivante : le lendemain au matin nous nous trouvâmes en pleine mer ; au lieu de nous approcher du rivage, nous nous en étions éloignés tout au moins de deux lieues ; mais nous retournâmes à bon port, quoique ce ne fût pas sans beaucoup de peine & même sans quelque danger ; car le vent commençoit à être un peu fort, & sur-tout nous avions une grande faim.

Cet accident rendit notre patron plus précautionné pour l’avenir. Il résolut donc de n’aller plus à la pêche sans un compas & quelques pro-