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de Robinson Crusoé.

bois, & je puis protester que je n’en ai jamais vu d’une taille plus monstrueuse.

Nous étions tous un peu effrayés à sa vue, hormis Vendredi, qui marquant dans toute sa contenance beaucoup de joie & de courage, s’écria : O maître, maître, vous me donner congé, moi lui toucher dans la main, mois vous faire bon rire. Que voulez-vous dire, grand fou que vous êtes, lui dis-je ? Il vous mangera. Lui manger moi, lui manger moi ! répondit-il : moi manger lui, vous tous rester-là, moi vous donner bon rire. Aussi-tôt le voilà à bas de son cheval, il ôte ses bottes dans le moment, chausse une paire d’escarpins, qu’il avoit dans sa poche, donne son cheval à garder à mon autre laquais, se saisit d’un fusil, & se met à courir comme le vent.

L’ours cependant se promenoit au petit pas, sans songer à malice, jusqu’à ce que Vendredi s’en étant approché, commença à lier conversation avec lui, comme si l’animal étoit capable de l’entendre : écoute donc, lui cria-t-il, moi te vouloir parler un peu. Pour nous, nous le suivions à quelque distance. Nous étions déjà descendus des montagnes du côté de la Gascogne, & nous nous trouvions dans une vaste plaine, où pourtant il y avoit une assez grande quantité d’arbres répandus par-ci, par-là.

Vendredi, étant pour ainsi dire, sur les talons