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Des aventures

enfondrer, car je l’ignorois auparavant, & j’aurois dû en quelque façon chérir cette ignorance. Cependant la tempête étoit si violente, que je voyois ce qu’on voit rarement, le maître, le contre-maître & quelques autres des plus notables, faisant leurs prières, s’attendant à tout moment que le vaisseau iroit à fond. Pour surcroît, vers le milieu de la nuit, un homme qu’on avoit envoyé en bas pour visiter le fond de cale, s’écria, qu’il y avoit une ouverture, & un autre dit que nous avions quatre pieds d’eau. Alors on appela tout le monde à la pompe. Ce mot seul me jeta dans une telle consternation, que j’en tombai à la renverse sur mon lit, au bord duquel j’étois assis. Mais les gens du vaisseau vinrent me tirer de ma léthargie, & me dirent que si je n’avois été propre à rien jusqu’ici, j’étois à cette heure aussi capable de pomper qu’aucun autre. Sur quoi je me levai, & m’en allai à la pompe, où je travaillai vigoureusement. Pendant que ces choses se passoient, le maître voyant quelques bâtimens légers de charbonniers qui, ne pouvant tenir contre la tempête, étoient obligés de gagner le large, & qui vouloient venir vers nous, fit tirer un coup de canon, pour signal de l’extrême danger où nous étions. Moi qui ne savois ce que cela signifioit, je fus si étonné, que je crus le vaisseau brisé, ou qu’il étoit arrivé quelque autre