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de Robinson Crusoé.

mon cher libérateur, voilà votre vaisseau, il vous appartient, aussi bien que nous, & tout ce que nous possédons.

Là-dessus je tournai mes yeux vers la mer, & je vis effectivement le vaisseau qui étoit à l’ancre, à un petit quart de lieue du rivage ; car le capitaine avoit fait voile dès qu’il eut exécuté son entreprise, & comme le tems étoit beau, il avoit fait avancer le navire jusqu’à l’embouchure de ma petite baie ; & la marée étant haute alors, il étoit venu avec sa pinace, pour ainsi dire, jusqu’à ma porte.

Je considérois alors ma délivrance comme sûre, les moyens en étoient aisés ; un bon vaisseau m’attendoit pour me conduire où je le trouverois bon. Mais j’étois si saisi de la joie que me donnoit un bonheur si inespéré, que je fus long-tems hors d’état de prononcer une parole, & que je serois tombé à terre, si les embrassemens du capitaine ne m’avoient soutenu.

Me voyant prêt à tomber en foiblesse, il me fit prendre un verre d’une liqueur cordiale, qu’il avoit exprès apportée pour moi. Après avoir bu, je me mis à terre ; je revins à moi peu-à-peu, mais je fus encore assez long-tems avant que de pouvoir lui parler.

Le pauvre homme n’étoit pas moins ravi de joie que moi, quoiqu’il n’en sentît pas les mê-