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de Robinson Crusoé.

Pendant que ces insolens matelots rôdoient par toute l’île, comme s’ils vouloient aller à la découverte du pays, j’observai que les trois prisonniers étoient en liberté d’aller où ils vouloient, mais ils n’en eurent pas le cœur ; ils se mirent à terre d’un air pensif & désespéré.

Leur triste contenant me fit souvenir de celle que j’avois eue autrefois en abordant le même rivage, me croyant perdu, tournant mes yeux de tous côtés, rempli de la crainte des bêtes sauvages, & réduit par mes frayeurs à passer une nuit entière dans un arbre.

Comme alors je ne m’étois attendu à rien moins qu’à voir notre vaisseau porté plus près du rivage par la tempête & par la marée, & de trouver par-là occasion d’en tirer les moyens de subsister, de même ces malheureux prisonniers n’avoient pas la moindre idée de la délivrance prochaine que le ciel préparoit pour eux dans le tems qu’ils croyoient tout secours impossible.

Combien de fortes raisons n’avons-nous pas dans ce monde, de nous reposer avec joie sur la bonté de notre créateur, puisque nous sommes rarement dans d’assez malheureuses circonstances pour ne pas trouver quelque sujet de consolation, & puisque nous sommes fort souvent portés à notre délivrance par les mêmes moyens qui sembloient nous conduire à notre ruine ?