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de Robinson Crusoé.

Par-là je compris que mon sauvage avoit été par le passé dans l’île à l’occasion de quelque festin cannibale sur le rivage le plus éloigné de moi ; & quelque tems après lorsque je hasardai d’aller de ce côté-là avec lui, il reconnut d’abord l’endroit, & me conta qu’il avoit aidé un jour à manger vingt hommes, deux femmes & un enfant. Il ne savoit pas compter jusqu’à vingt, mais il mit autant de pierres sur le sable, & me pria de les compter.

Ce discours me donna occasion de lui demander combien il y avoit de l’île au continent, & si dans ce trajet les canots ne périssoient pas souvent ? Il me répondit qu’il y avoit point de danger, & qu’un peu avant dans la mer on trouvoit les matins le même vent & le même courant, & toutes les après-dînées un vent & un courant directement opposés.

Je crus d’abord que ce n’étoit autre chose que le flux & le reflux ; mais je compris dans la suite que ce phénomène étoit causé par la grande rivière Oroonoque, dans l’embouchure de laquelle mon île étoit située, & que la terre que je découvrois à l’ouest, & au nord-ouest, étoit la grande île de la Trinité, située au septentrion de la rivière. Je fis mille questions à Vendredi touchant le pays, les habitans, la mer, les côtes & les peuples qui en étoient voisins, & il me donna sur tout cela