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Les aventures

je ne pus pas le porter à en faire de même, & il fut fort long-tems sans pouvoir s’y accoutumer.

Après l’avoir ainsi apprivoisé avec cette nourriture, je voulus le jour d’après le régaler d’un plat de rôti, ce que je fis en attachant un morceau de mon chevreau à une corde, & en le faisant tourner continuellement devant le feu, comme je l’avois vu pratiquer quelquefois en Angleterre. Dès que Vendredi en eût goûté, il fit tant de différentes grimaces pour me dire qu’il le trouvoit excellent & qu’il ne mangeroit plus de chair humaine, qu’il y auroit eu bien de la stupidité à ne le pas entendre.

Le jour d’après, je l’occupai à battre du bled & à le vanner à ma manière, ce qu’en peu de tems il fit aussi bien que moi ; il apprit de même à faire du pain ; en un mot, il ne lui fallut que peu de jours d’apprentissage pour être capable de me servir de toutes les manières.

J’avois à présent deux bouches à nourri, & j’avois besoin d’une plus grande quantité de grain que par le passé. C’est pourquoi je choisis un champ plus étendu, & je me mis à l’enclorre, comme j’avois fait par rapport à mes autres terres ; en quoi Vendredi m’aida non-seulement avec beaucoup d’adresse & de diligence, mais encore avec beaucoup de plaisir, sachant que c’étoit pour