Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
de Robinson Crusoé.

comme si cet instrument eût été capable de lui répondre : c’étoit, comme j’ai appris dans la suite : pour le prier de ne lui pas ôter la vie.

Quand je le vis un peu revenu de sa frayeur, je lui fis signe d’aller chercher l’oiseau, ce qu’il fit : mais voyant qu’il avoit de la peine à le trouver, parce que la bête n’étant pas tout-à-fait morte, s’étoit traînée assez loin de-là : je pris ce temps pour recharger mon fusil, à l’insçu de mon sauvage. Il revint bientôt après avec ma proie, & moi ne trouvant plus l’occasion de l’étonner encore, je m’en retournai avec lui dans ma demeure.

Le même soir j’écorchai le chevreau, je le coupai en pièces, & j’en mis quelques morceaux sur le feu, dans un pot que j’avois : je les fis étuver, j’en fis un bouillon, & je donnai une partie de cette viande ainsi préparée à mon valet, qui voyant que j’en mangeois, se mit à la goûter aussi. Il me fit signe qu’il y prenoit plaisir ; mais ce qui lui parut étrange, c’est que je mangeois du sel avec mon bouilli. Il me fit comprendre que le sel n’étoit pas bon, & après en avoir mis quelques grains dans sa bouche, il les cracha, & fit une grimace comme s’il en avoit mal au cœur, & ensuite se lava la bouche avec de l’eau fraîche. Pour moi, au contraire, je fis les mêmes grimaces en prenant une bouchée de viande sans sel ; mais