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Les aventures

& que dans le cœur il étoit encore un vrai cannibale ; mais je lui marquai tant d’horreur pour un appétit su dénaturé, qu’il n’osoit pas le découvrir de crainte que je ne le tuasse.

La chose étant faite, nous nous en retournâmes dans mon château, où je me mis à travailler aux habits de Vendredi. Je lui donnai d’abord une culotte de toile que j’avois trouvée dans le coffre d’un des matelots, & qui, changée un peu, lui alloit passablement bien. J’y ajoutai une veste de peau de chèvre, & comme j’étois devenu tailleur dans les formes, je lui fis encore un bonnet de la peau d’un lièvre, dont la façon n’étoit pas tant mauvaise. Il étoit charmé de se voir presque tout aussi brave que son maître, quoique dans le commencement il eût un air fort grotesque dans ces habillemens, auxquels il n’étoit pas accoutumé. Sa culotte l’incommoda fort, & les manches de la veste lui faisoient mal aux épaules & sous les bras ; mais tout cela étant élargi un peu dans les endroits nécessaires, commença bientôt à lui devenir familier.

Le jour d’après je me mis à délibérer où je logerois mon domestique d’une manière commode pour lui, sans que j’en eusse rien à craindre pour moi, s’il étoit assez méchant pour attenter quelque chose sur ma vie. Je ne trouvai rien de plus convenable que de lui faire une hutte entre mes deux