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de Robinson Crusoé.

le contre, ma passion prévalut sur mon humanité, & je me déterminai à faire tout mon possible pour m’emparer de quelque sauvage à quelque prix que ce fût. La question étoit de quelle manière en venir à bout ; mais, comme il ne m’étois pas possible de prendre là-dessus des mesures plausibles, je résolus seulement de me mettre en sentinelle pour découvrir mes ennemis quand ils debarqueroient, & de former alors mon plan conformément aux circonstances qui s’offriroient à mes yeux.

Dans cette vue, je ne manquois pas un jour d’aller reconnoître : mais je ne découvris rien dans l’espace de dix-huit mois, quoique pendant tout ce tems j’allasse sans relâche tantôt du côté de l’ouest de l’isle, tantôt du côté du sud-ouest, les deux parties les plus fréquentées par les sauvages. La fatigue que me donnoient ces sorties inutiles, bien loin de me dégoûter, comme autrefois, de mon entreprise, & d’émousser ma passion, ne fit que l’enflammer davantage ; je souhaitois aussi ardemment de rencontrer les cannibales, que j’avois autrefois desiré de les éviter.

J’avois même alors tant de confiance en moi-même, que je me faisois fort de me ménager assez bien jusqu’à trois de ces sauvages, pour me les assujettir entièrement, & pour leur ôter tout