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Les aventures

cellens conseils de mon père, que j’avois négligés avec tant d’opiniâtreté, n’étoit-ce pas une folle de la même nature qui m’avoit jeté dans ce triste désert ? Si la providence, qui m’avoit si heureusement établi dans le Brésil, m’eût donné des desirs limités ; si je m’étois contenté d’aller à la fortune pas à pas, ma plantation seroit devenue sans doute une des plus considérables de tout le pays, & auroit pu monter dans quelques années jusqu’à la veleur de cent mille Moidores.

J’avois bien affaire, en vérité, de laisser là un établissement sûr, pour aller dans la Guinée chercher moi-même les nègres qui m’auroient pu être amenés chez moi par des gens qui en font leur seul négoce ! Il est vrai qu’il m’en auroit coûté un peu davantage, mais cette différence valoit-elle la peine de m’exposer à de pareils hasards ?

La folie est le fort de la jeunesse, & celui d’un âge plus mûr, est la réflexion sur les folies passées achetée bien cher par une longue & triste expérience. J’étois alors dans ce cas, & cependant l’extravagance particulière dont je viens de parler, avoit jeté de si profondes racines dans mon cœur, que toutes mes pensées rouloient sur les désagrémens de ma situation présente, & sur les moyens de m’en délivrer.

Pour que le reste de mon histoire donne plus de plaisir au lecteur, il sera bon, je crois, d’entrer