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Les aventures

océan, où il n’y avoit aucun bonheur à attendre pour eux, & où ils mourroient peut-être de faim, à moins que de se manger les uns les autres.

Tout cela n’étoit que conjectures, & dans l’état où j’étois, tout ce que je pouvois faire, c’étoit de jeter un œil pitoyable sur la misère de ces pauvres gens, dont je tirois, par rapport à moi, cet avantage, que j’en devins de plus en plus reconnoissant envers Dieu, qui m’avoit donné tant de consolations dans ma situation déplorable, & qui, des deux équipafes qui étoient péris sur ces côtes, avoit trouvé bon de sauver ma vie seule. J’appris par-là à remarquer de nouveau qu’il n’y a pas d’état si bas, point de misère si grande où l’on ne trouve quelque sujet de reconnoissance en voyant au-dessous de soi des situations encore plus déplorables.

Telle étoit la condition de ce malheureux équipage, dont la conservation me sembloit hors de toute vraisemblance, à moins qu’il ne fût sauvé par quelque autre bâtiment. Mais ce n’étoit-là tout au plus qu’une possibilité destituée, par rapport à moi, de toute certitude.

Je ne trouve point de paroles assez énergiques pour exprimer le desir que j’avois d’en voir au moins un seul homme sauvé, afin de trouver un compagnon unique, du commerce duquel je pusse