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de Robinson Crusoé.

pusse renfermer une demi-douzaine de jeunes chèvres, afin que si quelque désastre arrivoit au troupeau en général je pusse le remettre sur pied en peu de tems & avec peu de peine. Quoique ce dernier parti demandât beaucoup de fatigue & de tems, il me parut le plus raisonnable.

Pour exécuter ce dessein, je me mis à parcourir tous les recoins de l’isle & je trouvai bientôt un endroit aussi détourné que je le souhaitois. C’étoit une pièce de terre unie au beau milieu des bois les plus épais, où comme j’ai dit, j’avois failli à me perdre un jour en revenant de la partie orientale de l’isle. C’étoit déjà une espèce d’enclos dont la nature avoir presque fait tout les frais, & qui par conséquent n’exigeoit pas un travail si rude que celui que j’avois employé à mes autres enclos.

Je mis aussi-tôt la main à l’œuvre, & en moins d’un mois j’avois si bien aidé la nature, que mes chèvres, qui étoient passablement bien apprivoisées, pouvoient être en sûreté dans cet asyle. J’y conduisis d’abord deux femelles & deux mâles ; après quoi je me mis à perfectionner mon ouvrage à loisir.

Le seul vestige d’un homme me coûta tout ce travail, & il y avoit déjà deux ans que je vivois dans ces transes mortelles, qui répandoient une grande amertume sur ma vie, comme s’imagi-