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Les aventures

l’idée. J’étois alors un triste & vif exemple de cette vérité. Autrefois je m’affigeois mortellement de me voir entouré du vaste Océan, condamné à la solitude, banni de la société humaine : je me regardois comme un homme que le ciel trouvoit indigne d’être au nombre des vivans, & de tenir le moindre rang parmi les créatures. La seule vue d’un homme m’auroit paru une espèce de résurrection, & la plus grande grace, après le salut, que je pusse obtenir de la bonté divine. À présent, je tremble à la seule idée d’un être de mon espèce ; l’ombre d’une créature humaine, un seul de ses vestiges me cause les plus mortelles frayeurs.

Telles font les vicissitudes de la vie humaine : source féconde de réflexions pour moi, lorsque je me trouve dans une assiette plus calme.

Dès que je fus un peu remis de mes allarmes, je considérai que ma triste situation étoit l’effet d’une Providence infiniment bonne, infiniment sage ; qu’incapable d’un côté de pénétrer dans les vues de la sagesse suprême à mon égard, je commettois de l’autre la plus haute injustice, en prétendant me soustraire à la souveraineté d’un Être qui, comme mon créateur, à un droit absolu de disposer de mon sort, & qui comme mon juge, est le maître de me punir comme il le trouve à propos ; puisque je m’étois attiré son indigna-