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Les aventures

étrange mutation de la mer : car je vis, à n’en pouvoir pas douter, que le reflux de la marée, partant de l’Ouest, & se joignant au cours de quelque rivière, étoit la cause du courant qui m’avoit emporté avec tant de violence. Et, selon que les vents de l’Ouest & du Nord étoient plus ou moins violens, le courant, aussi élevé, s’étendoit jusques sur l’isle, ou se perdoit à une moindre distance dans la mer. C’étoit avant midi que je faisois toutes ces observations ; mais celles que je fis le soir me confirmèrent dans mon opinion. Je revis le courant, de même que je l’avois vu autrefois, avec cette différence pourtant, qu’il ne portoit pas directement à mon isle ; il s’en éloignoit d’une demi-lieue.

De toutes ces observations, je conclus, qu’en remarquant le tems du flux & du reflux de la marée, il me seroit très-aisé d’amener mon canot auprès de ma maison. Mais le souvenir des dangers passés me causoit une frayeur si extraordinaire, que je n’osai jamais porter ce projet à son exécution. J’aimai mieux prendre une autre résolution, qui étoit plus sûre, quoique plus laborieuse ; c’étoit de faire un autre canot. Ainsi j’en aurois eu deux, l’un pour ce côté de l’isle, & l’autre pour l’autre côté.

J’avois donc à présent deux plantations, s’il est permis de m’exprimer ainsi. L’une étoit ma tente