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de Robinson Crusoé.

Je vivois aussi avec beaucoup de douceur. Mon esprit étoit tranquille. Je m’étois résigné à la volonté de Dieu. Je m’étois entièrement soumis aux ordres de la Providence. Je préférois cette vie à celle que j’aurois pu mener dans le commerce du monde ; car s’il m’arrivoit quelquefois de regretter la conversation des hommes, je me disois aussi-tôt : Ne converses-tu pas avec toi-même ? &, pour parler ainsi, ne converses-tu pas avec Dieu lui-même par des éjaculations vers lui ? La société peut-elle te procurer d’aussi grands avantages ?

Après avoir fini les ouvrages dont j’ai parlé, il ne m’est rien arrivé d’extraordinaire pendant l’espace de cinq ans. Je menois le train de vie que j’ai ci-dessus représenté. Ma principale occupation, outre celle de semer mon orge & mon riz, d’accommoder mes raisins, & d’aller à la chasse, fut pendant ces cinq années, celle de faire un canot. Je l’achevai, & en creusant un canal profond de six pieds & large de quatre, je l’amenai dans la baie. Pour le premier qui étoit d’une prodigieuse grandeur, & que j’avois fait inconsidérément, je ne pus jamais ni le mettre à l’eau, ni faire un canal assez grand pour y conduire l’eau de la mer. Je fus obligé de le laisser dans sa place, comme s’il eût dû me servir de leçon, afin d’être plus circonspect à l’avenir. Mais, comme on vient