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de Robinson Crusoé.

qu’à peine pouvois-je remarquer sa noirceur sur le papier. Tant qu’elle dura je marquai les jours où il m’étoit arrivé quelque chose de considérable. Il me souvient que ces jours extraordinaires tomboient presque tous sur les mêmes jours de l’année. Si j’avois eu quelque penchant superstitieux pour le sentiment qu’il y a des jours heureux & des jours malheureux, je n’aurois pas manqué d’appuyer mon opinion sur un concours si curieux.

Le même jour de l’année que je m’enfuis de chez mon père, que j’arrivai à Hull & que je me fis matelot, je fus pris par un vaisseau de guerre de Salé & fait esclave.

Le même jour de l’année que j’échappai d’un naufrage dans la rade de Yarmouth, je me sauvai aussi de Salé dans un bateau.

Le même jour que je naquis, & qui étoit le 30 Septembre, 36 ans après, je fus miraculeusement sauvé, lorsque la tempête me jeta sur cette Isle. Ainsi ma vie dépravée & ma vie solitaire ont commencé par le même jour de l’année.

La première chose qui me manqua après l’encre, fut le pain, ou plutôt le biscuit que j’avois apporté du vaisseau. Bien que je l’eusse ménagé avec la dernière frugalité, ne m’en étant accordé pendant l’espace d’une année qu’un petit gâteau par jour : cependant il me manqua tout-à-fait un