Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
de Robinson Crusoé.

j’aurois vécu comme un véritable sauvage, si j’eusse tué un bouc ou un oiseau par quelque nouveau stratagême, je n’aurois pas su comment écorcher le premier, ni comment éventrer l’un & l’autre ; ensorte qu’il m’auroit fallu employer & mes ongles & mes dents, à la façon des animaux de proie.

Ces réflexions me rendoient très-sensible à la bonté de la providence à mon égard ; & très reconnoissant envers elle pour ma condition présente, quoique non exempte de peines & de misère. Je ne puis m’empêcher de recommander cet endroit de mon histoire aux méditations de ceux qui, dans leur malheur, sont sujets à faire cette exclamation : Y a-t-il une affliction semblable à la mienne ? Que ces gens-là, dis-je, considèrent combien pire est le sort de tant d’autres, & combien pire pourroit être le leur, si la providence l’avoit jugé à propos.

Je faisois encore une autre réflexion qui contribuoit beaucoup à fortifier mon esprit, & à remplir mon cœur d’espérances ; c’étoit le parallèle de l’état où je me voyois, à ce que j’avois mérité, & à quoi par conséquent j’aurois dû m’attendre, comme à un juste salaire que j’aurois reçu de la main vengeresse de Dieu. J’avois mené une vie détestable, sans connoissance ni crainte de mon Créateur. Mes parens m’avoient donné