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Les aventures

Une autre réflexion qui m’étoit encore d’un grand usage, & qui sans doute ne le seroit pas moins à toute personne qui auroit le malheur de tomber dans un pareil cas que le mien, c’étoit de comparer ma condition présente à celle à laquelle je m’étois attendu dans le commencement, & dont j’aurois très-certainement subi toute la rigeur, si Dieu, par sa providence admirable, n’eût procuré mon salut dans les suites de mon naufrage, en ordonnant que le vaisseau fût porté si près de terre, que je pusse non-seulement aller à bord, mais encore en rapporter & débarquer quantité de choses qui m’étoient d’une grande utilité & d’un grand secours : sans quoi j’aurois manqué d’outils pour travailler, d’armes pour me défendre, de poudre & de plomb pour aller à la chasse, & par ce moyen pourvoir à ma nourriture.

Je passois les heures, & quelquefois les jours entiers à me représenter avec les couleurs les plus vives la manière dont j’aurois agi si je n’eusse rien tiré du bâtiment : comment je n’aurois pas seulement pu attraper quoi que ce soit pour ma nourriture, si ce n’est peut-être quelques poissons & quelques torties ; & comme il se passa un longtems avant de découvrir aucune de ces dernières, il y a toute apparence que j’aurois péri sans faire cette découverte ; que si j’eusse subsisté,