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Les aventures

d’un tel projet, jointe à ce que je m’imaginai d’avoir plus de commodité que les Nègres & les Américains, pour une telle exécution, me repaissoit agréablement. Mais d’un côté je ne faisois nulle attention aux inconvéniens particuliers qui me viendroient à la traverse de plus qu’aux Américains : entre autres, par exemple, le défaut de secours de qui que ce fût, pour remuer mon canot, quand une fois il seroit achevé, & pour le transporter à la mer : obstacle beaucoup plus difficile pour moi à surmonter, que le manquement de tous les outils ne l’étoit pour ces sauvages. Car à quoi me serviroit-il, qu’après avoir choisi dans les bois un arbres d’une vaste grosseur, je pusse l’abattre avec un travail infini, ensuite le charpenter & façonner en dehors avec mes outils, pour lui donner la figure d’un bateau ; de plus, le brûler ou le tailler en dedans, pour le rendre creux & complet ; à quoi, dis-je, me serviroit tout cela, s’il me falloit à la fin précisément le laisser dans l’endroit où je l’avois trouvé, faute de le pouvoir lancer à l’eau ? Mais le desir ardent de me mettre dessus, pour traverser jusqu’à la terre ferme, qui paroissoit de l’autre côté, captivoit tellement tous mes sens, que je n’eus pas le loisir de songer une seule fois où il étoit. Et sans doute qu’il m’auroit été incomparablement