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de Robinson Crusoé.


À cette briéveté du tems destiné pour le travail, je vous prie d’ajouter la pénible difficulté de ce même travail, & les heures que le manquement d’outils, de commodités, d’habileté, m’obligeoit souvent de retrancher de mes autres occupations pour faire la moindre chose. Je vous dirai, pour preuve de cela, que je mis quarante-deux jours entiers à fabriquer une planche pour me servir de tablette dans ma caverne ; au lieu que deux scieurs, avec leurs outils & un attelier convenable, en auroient fait six d’un seul tronc & en une journée.

Voici, par exemple, comme je m’y prenois. J’allois dans les bois choisir un gros arbre, parce que la planche devoit être large. J’étois trois jours à couper cet arbre par le pied, & deux autres à l’ébranler & à le réduire à une pièce de merrein. À force de hacher, de trancher & de charpenter, j’en réduisis les deux côtés en coupeaux, jusqu’à ne lui laisser que trois pouces d’épaisseur. Il n’y a personne qui ne convienne avec moi qu’un tel ouvrage devoit être un rude exercice pour mes mains ; mais le travail & la patience m’en firent venir à bout comme de bien d’autres choses. J’ai seulement été bien aise de vous mettre devant les yeux cette particularité, pour monter en même tems la raison pour laquelle tant de tems se consumoit en de si petites cho-